Avec le vote de la loi de financement sur la retraite par répartition, le mouvement social constaté devrait petit à petit s'éteindre. Il en restera beaucoup d'amertume, de rancoeur et, je pense, surtout beaucoup d'incompréhension et de décalage entre les réels problèmes vécus par les Français et les revendications pilotés par le mouvement syndical dans son ensemble.
Finalement, n'étions-nous pas dans un grand théâtre de dupes lorsqu'au milieu de records de taux de chômage, de précarité, de délocalisations, d'incapacité à faire entrer nos jeunes dans la vie professionnelle, le débat s'est focalisé sur l'âge de départ à la retraite ou la pénibilité du travail.
Quel décalage lorsque l'on constate que, loin de se plaindre de leur départ à la retraite, ceux qui sont sans emploi ou dans la précarité, rêvent tout simplement d'embauche et de stabilité. Le sujet de la retraite ne concerne pas ceux qui vivent leur vie à l'horizon 24h.
Plus que cela, il devient même obscène tant leur espoir de rejoindre cette rive devient aléatoire.
Finalement, pour la majeure partie de la population, le départ à la retraite s'apparente, plutôt au clap de fin d'années de galère où la précarité continuelle a depuis longtemps pris le pas sur la pénibilité d'emplois qu'ils n'ont plus !
Le problème pour la plupart est avant tout un problème de sécurité dans l'emploi.
Depuis des années, l'emploi a été plombé à grands coups de taxes et de charges sociales.
Compte tenu de son coût, le salarié doit à présent être rapide, efficace, technique. Il n'y a plus de place pour le salarié affecté aux tâches subalternes ou annexes, plus de place pour le salarié qui ne crée pas assez de valeur ajouté, plus de place pour le "vaillant", "l'arpette". Ces emplois ont été remplacés dans l'hypocrisie générale par des emplois aidés sursubventionnés qui ont fini d'achever les derniers espoirs d'emplois classiques à tâches simples. Le reste de ces emplois est parti vers les eldorados tiers mondistes où le coût du travail ne vaut rien.
Les gouvernements successifs ont cru que l'emploi était une vache à lait que l'on pouvait traire sans fin. Il n'en est rien. A force de la taxer, il est devenu un produit de luxe, un produit élitiste, accessible seulement par quelques-uns. Seuls ces privilégiés peuvent à la rigueur maugréer devant l'allongement de la durée de travail.
Je ne parle pas de l'emploi dans les collectivités locales ou administrations en tout genre où le décalage est encore plus terrible.
D'un côté, ceux qui ont l'emploi assuré et ont été au premier rang des constestations des dernières semaines et, de l'autre, une armée de gens mal payés, en contrats aidés dont le seul avenir est un retour au pôle emploi.
Ces deux catégories se cotoient à longueur de journée sans que la première ne se rende compte à quel point leur problème de départ à la retraite peut être vulgaire en regard de l'absence d'avenir de la plupart de leur collègue de travail.
Toutes les solutions au coût du travail doivent être explorées. Par exemple, moins de charges sur les bulletins de salaire remplacées par plus de TVA sur les produits de consommation. En tout cas, un objectif est à se fixer d'urgence : permettre à tous d'avoir une chance d'accéder à l'emploi.
Alors seulement, j'arriverai à considérer les défilés dans les rues comme autre chose qu'un amoncellements d'intérêts particuliers faisant fi des exclus du monde du travail.
A suivre...